Beau comme des centres de rétention qui flambent
Australie
L’Australie a connu du 27 au 30 décembre 2002 une vague d’émeutes et d’incendies qui ont ravagé cinq de ses sept centres de rétention. Si ce pays, comme beaucoup d’autres, possède une solide tradition de camps (des délinquants anglais déportés pour coloniser l’île-continent aux aborigènes jusque dans les années 60, en passant par les prisonniers allemands fournis par les Etats-Unis pendant la guerre), il offre la particularité d’incarcérer pendant des années les immigrants dans d’immenses centres de rétention jusqu’à la décision concernant leur cas - souvent des demandes d’asile.
Les camps de rétention
C’est le gouvernement travailliste qui a décidé en 1992 d’incarcérer dans des camps de rétention l’ensemble des demandeurs d’asile débarquant sans papiers. Près de 3000 personnes y végètent actuellement, dont environ 600 mineurs. Les réfugiés proviennent pour un tiers d’Afghanistan puis d’irak et du Moyen-Orient, le reste étant originaire d’Asie. Depuis septembre 1997, leur gestion a été confiée à un groupe privé, l’Australasian Correctional Management (ACM), une filiale du groupe américain Wackenhut qui possède déjà 55 prisons dans sept pays. Bien entendu, ses employés ont tout loisir d’exercer leur cruauté avec la bénédiction de l’état australien. Cette firme a été absorbée en mai 2002 par le plus grand groupe mondial de sécurité privé, Group 4 Falck. Ce dernier gère notamment les centres de rétention en Angleterre, dont celui de Yarl’s Wood (nord de Londres) qui a brûlé en février 2002 suite à une révolte. Il possède aussi la prison australienne de Port Philip (à Melbourne) où il est régulièrement mis en cause pour le taux de «suicide» élevé des prisonniers. Depuis le 23 décembre 2002, il a remporté le marché des camps de rétention de ce pays pour un montant de 100 millions d’euros par an, en offrant des prix encore inférieurs à ceux d’ACM. Le ministre de l’immigration, Philip Ruddock, a même tenu à préciser que Group 4 serait payé en fonction de son rendement «en termes d’émeutes et d’évasions».
Car dans cette situation de délais insupportables sans perspective, de conditions concentrationnaires (des tentes dans le désert comme à Woomera, entourées de barbelés électrifiés et blindées de matons-vigiles et de caméras), tortures, soins médicaux défaillants (comme ce témoignage d’un réfugié qui est resté quinze jours avec une jambe cassée avant d’être soigné), les révoltes se multiplient.
En juin 2000, près de 700 réfugiés s’évadent des camps de Woomera, Curtin et Port Hedland puis se rendent dans les centres-villes pour protester contre leurs conditions. Suite à des manifestations depuis le 25 août devant le camp de Woomera, certains se révoltent, jettent des pierres contre les matons, incendient des bâtiments (réfectoire, école, nettoyage, «détente») dont celui de l’administration. «Le 28 août, ils utilisaient les piquets de construction d’une seconde clôture comme des lances contre les matons tout en essayant de s’échapper à travers les trous dans la clôture».
En août 2000, des Chinois (principalement) fomentent une émeute qui blesse treize matons et cause des millions d’euros de dégâts en détruisant notamment trois bâtiments.
En janvier 2001, près de 180 réfugiés, pour la plupart du Moyen-Orient, attaquent les matons avec des briques et des barres de fer et prennent le contrôle du camp avant que la police intervienne.
Le 27 février 2001, 40 réfugiés s’attaquent aux matons pour protester contre l’expulsion de trois des leurs vers le Moyen-Orient. Le 3 avril 2001, 200 réfugiés du camp de Curtin «abattent des clôtures intérieures, font des trous dedans, allument des feux et incendient entièrement deux préfabriqués» selon la police.
En novembre 2001, nouvelle émeute à Woomera, trois bâtiments sont incendiés.
Outre les tentatives d’évasion individuelles ou certaines immolations par le feu suite à un refus d’asile, près de 350 réfugiés de Woomera entament une grève de la faim qui durera seize jours en janvier 2002 pour obtenir que le dossier des Afghans soit examiné et qu’ils ne soient plus renvoyés «chez eux» suite à la chute des Talibans. Cinquante d’entre eux s’étaient en plus cousus les lèvres et l’un d’eux s’était volontairement jeté dans les barbelés du haut d’un grillage. Le gouvernement a cédé, pour une fois seulement.
Enfin, suite à des mobilisations en mars 2002 devant le camp de Woomera, l’attaque extérieure des clôtures et les affrontements entre manifestants et forces de l’ordre a permis à 35 sans-papiers de s’évader (15 sont toujours dans la nature) ; une cinquantaine s’échappera aussi le 27 juin 2002.
Face à tout cela, l’Etat n’est cependant pas resté inactif. Le 19 octobre 2001, un bateau sombre au large de l’Australie mais dans les eaux internationales, avec à son bord 424 personnes (dont 150 mômes). Ce pays avait refusé l’accostage du Harapanindra et l’avait renvoyé vers l’Indonésie d’où il était parti. Des pêcheurs Indonésiens ne récupéreront que 45 survivants de ce rafiot de 19,5 mètres de long sur 4 de large, de nombreuses heures après. Un des responsables de la police fédérale australienne Mick Keelty a refusé de répondre à toute question d’une commission d’enquête sénatoriale bidon au nom de «l’intérêt public».
Deux mois avant, en août 2001, le gouvernement australien l’avait joué plus finement : après avoir empêché le cargo norvégien Tampa d’accoster sur les côtes australiennes de l’île Christmas avec 460 Afghans à son bord, il les a déportés vers le micro-état de Nauru (où ils poirotent toujours). Un premier groupe de 800 et un second de 400 demandeurs d’asile les ont ensuite rejoints dans cette déportation. C’est depuis cette date que la marine de guerre australienne empêche les bateaux de réfugiés de s’approcher, avec comme conséquence immédiate l’assassinat des centaines de personnes du Harapanindra deux mois après. Aujourd’hui, près de 2200 réfugiés (afghans, sri-lankais et irakiens) végètent dans des camps sur l’île de Nauru (12 000 habitants sur 12 km2), l’Alcatraz australien. Ce micro-pays s’est enrichi entre 1919 et 1968 par l’exploitation de mines de phosphore et, désormais à cours de ressources (sans terre cultivable mais paradis fiscal), a volontiers accepté le deal de son voisin : l’épongement de sa dette (déjà 18 millions d’euros et d’autres à suivre avec la construction de nouveaux camps) et tous frais payés pour le fonctionnement des camps. L’Australie a déjà versé 29 millions d’euros aux gouvernements de Papouasie-Nouvelle-Guinée (autre état qui a déjà accepté 1000 réfugiés dans des camps australiens) et de Nauru pour installer ses camps. Son budget total s’élève à 170 millions d’euros et 120 sont prévus chaque année pendant au moins cinq ans. Les îles de Kiribati, Palau et les Iles Cocos sont en pourparlers après le refus de Fidji. La marine australienne emploie désormais cinq navires de guerre et quatre avions de reconnaissance uniquement pour chasser les bateaux de sans-papiers, en plus de ses garde-côtes. Enfin, les travaillistes et les conservateurs unis ont durci les lois sur l’immigration en septembre 2001, autorisant la marine à remorquer de force les bateaux ancrés dans ses eaux territoriales, instituant un visa de résidence renouvelable tous les trois ans pour les immigrés entrés clandestinement (supprimant l’espoir d’obtenir un permis de résidence définitif) et interdisant le regroupement familial. Cette nouvelle loi, la déportation à Nauru et la chasse du Harapanindra au prix de 353 assassinés ont subsidiairement permis au premier ministre John Howard d’être réélu pour un troisième mandat le 10 novembre 2001. Le 11 septembre 2001 ou l’attentat de Bali le 12 octobre 2002 (192 morts dont 88 Australiens dans une boîte de nuit) n’ont ainsi que peu modifié la donne dans la continuité raciste de l’état australien. A une exception près : le gouvernement accuse maintenant en plus les camps d’ «héberger» des terroristes et a lancé une campagne anti-«terroriste» de trois mois le 29 décembre 2002.
Les belles émeutes de décembre
Le climat était donc à son comble lorsque cinq des sept camps se sont embrasés, lorsque les prisonniers ont décidé une nouvelle fois de prendre leur destin en main. Le vendredi 27 décembre, un premier incendie se déclenche au camp de Baxter, détruisant trois chambres et un bloc sanitaire du bâtiment Red 1. Les réfugiés sont transférés dans le bâtiment Red 2. Le camp de Baxter, situé à proximité de la ville de Port Augusta dans le sud de l’Australie, est en projet depuis le 23 août 2001 et sa construction a été achevée un an plus tard. Bâti dans l’enceinte d’un terrain militaire, il est de type prison de haute sécurité, avec barbelés électrifiés, vidéosurveillance 24h/24, mitard (où on peut rester menotté avec un bandeau sur les yeux), tabassages et règlement intérieur blindé : demande écrite pour circuler à l’intérieur du camp, politesse obligatoire, etc. «Depuis que l’on a comparé Woomera à un enfer, il n’y a plus de termes pour qualifier Baxter», selon un prisonnier. Le samedi 28 au soir, ce sont trois nouveaux feux allumés à partir des literies, du mobilier et des rideaux des bâtiments Red 2 qui embrasent le centre, détruisant cette fois partiellement le camp, 64 des 79 chambres (17 des 19 bâtiments) sont détruites ou endommagées. Le lendemain, un dernier incendie qui démarre à partir du réfectoire du quartier White 2 (où sont regroupés les détenus) tente d’achever le travail, 17 nouvelles chambres partent en fumée. Ce camp dernier-cri à peine construit pour une somme de 22,3 millions d’euros, subit là une première critique pratique pour le moins radicale de la part de ses 215 détenus (55 sont plus précisément accusés, ceux dont la demande de visa a été rejetée après appel) qui le rendent en grande partie inutilisable. 11 réfugiés et deux matons ont reçu des soins suite à l’inhalation de fumées toxiques, les premiers ayant été parfois obligés de demeurer à l’intérieur des bâtiments en feu par des gardes en tenue anti-émeute. La première réaction pleine de bon sens récupérateur est venue du directeur du bureau du développement local de Port Augusta, Andrew Eastick : «Bon, il y aura clairement des retombées économiques même s’il est tragique que nous pensions en ces termes. Mais il y a évidement un travail de reconstruction et de déblaiement qui doit être fait, et la majeure partie de ce travail échouera à des entreprises et des gens du coin».
Le camp de Port Hedland (à l’ouest de l’Australie) est construit sur la base de bâtiments qui ont accueilli les célibataires des industries minières dans les années 60, à l’intérieur d’un quartier résidentiel. Il est devenu un camp de rétention en 1991, notamment à cause de la proximité d’un aéroport international permettant facilement les déportations. Le dispositif de sécurité a été considérablement renforcé en 2001 et le camp comptait 146 personnes réparties dans les 11 blocs au moment de l’émeute. Celle-ci débute dans la nuit du dimanche au lundi 30 décembre, suivant celle de Baxter. Le feu détruit un camion de pompiers, un énorme entrepôt (après effraction) et l’un des blocs d’habitation. Plusieurs maisons du voisinage ont dû être évacuées à cause de la fumée, deux matons soignés pour les mêmes raisons. 20 réfugiés sont spécifiquement sur la sellette. La moitié des 16 cellules du poste de police de South Hedland ont immédiatement été réservées par ACM (la boîte privée qui gère les camps), en attendant les premières enquêtes. En termes financiers, les dégâts sont plus importants qu’à Baxter (environ 1,7 millions d’euros).
Le troisième camp à s’embraser, après celui de haute sécurité de Baxter et celui qui sert de sas avant la déportation, Port Hedland, est Woomera (sud de l’Australie). Selon le ministère de l’immigration, les émeutes dans les camps de rétention avaient déjà causé près de 2,8 millions d’euros de dégâts au cours des 18 derniers mois, dont les ¾ sont attribués à celles de Woomera. Construit en plein désert à 500 km d’Adelaïde à la fin des années 50 pour abriter les travailleurs qui ont construit un complexe de bureaux, ce site est devenu un camp en novembre 1999, continuellement agrandi et avec des dispositifs de sécurité en constante augmentation. Deux premiers feux sont allumés le dimanche 29 décembre au matin dans le bloc sanitaire (5 bâtiments abritant les toilettes sont réduits en cendres). Le lendemain soir, ce sont deux quartiers d’habitation (37 bâtiments) et deux réfectoires qui sont incendiés et partiellement ou totalement détruits. Les pompiers mettent plus de quatre heures à les éteindre. Les 130 réfugiés, principalement du Moyen-Orient et d’Afghanistan, doivent être évacués vers un autre quartier inutilisé. Les dégâts sont encore supérieurs aux précédents, montant à 1,95 millions d’euros. 7 hommes sont immédiatement transférés en prison. Une vaste perquisition est menée dans le camp, pendant que les réfugiés passent deux jours assis et menottés sur le terrain de basket, sous le soleil brûlant de l’été et sans eau, de 10 heures du matin à 9 heures du soir. Les trois familles du camp sont transférées à Baxter alors que les autres, célibataires, subissent des pressions pour signer leur accord en vue d’une expulsion vers l’Iran ou l’Afghanistan (la plupart ont épuisé leurs recours, le tribunal ayant par exemple rejeté, au cours de sa session 2001-2002, 62 % des appels pour les Afghans et 87 % pour les Irakiens). Le téléphone a été coupé, les prisonniers interdits de courrier et sans possibilité de cantiner.
Le lundi 30 décembre, un soulèvement a lieu dans le camp de Perth. Un maton est blessé au visage. Au départ, la police a tenté de s’emparer de deux réfugiés qui devaient être conduits à l’aéroport pour y être déportés. Leur rébellion a provoqué la solidarité d’une quinzaine d’autres, ce qui a nécessité l’intervention de la police anti-émeutes. 4 personnes sont désormais accusées d’agression et de rébellion (à leur arrestation) et incarcérées.
Ce même jour, c’est un quatrième camp (après Baxter, Port Hedland, Woomera) de rétention qui prend feu. Le camp de Christmas Island est situé au large de l’Australie, à 2400 km à l’ouest de Darwin, et à 550 km au sud de l’Indonésie dans l’océan indien. C’est un bagne isolé où sont directement transférés les boat-people des bateaux arraisonnés dans les eaux australiennes (les autres sont repoussés par la marine de guerre australienne avant même de les atteindre ). La quarantaine (?) de prisonniers mettent le feu en deux endroits, dont le réfectoire, et prennent le contrôle du camp, armés de piquets de tentes et de tuyaux. Les pompiers doivent donc dans un premier temps rester à l’extérieur, tandis que les anti-émeutes affrontent les réfugiés. « Nous savons qu’aucun revolver n’a certainement pas été utilisé » a déclaré Jenny Hoskin, porte-parole du ministère de l’immigration, ce qui augure tout même de la vigueur de l’affrontement. Après le rejet de leurs demandes de visa, les boat-people avaient déjà enflammé une première fois un bloc d’habitations et le hall du réfectoire le 7 décembre dernier. Très peu d’informations ont filtré dans la presse australienne sur la révolte dans cette île.
La dernière émeute, la plus violente aussi peut-être de ce week-end, s’est produite dans le camp de Villawood situé à Sydney. Ce camp comporte la particularité d’incarcérer les personnes dont le visa a expiré, celles qui ne remplissent plus les conditions (en dehors du quota fixé par emploi et nationalité, condamnation, travail au noir) et celles qui ont été interceptées dans les aéroports et les ports. Les réfugiés sont tous en attente d’expulsion, le nombre officiel étant de 513 (393 hommes, 88 femmes, 32 enfants). Les dégâts ont été moins importants que dans les autres, 280 000 euros, mais la révolte plus offensive : après avoir allumé six feux autour d’équipements surveillés dans la nuit du 31 décembre vers 10h30, 35 détenus ont tenté de s’évader en volant un véhicule de matons pour s’en servir comme bélier. Ils auraient été stoppés par un véhicule de police bloquant les portes. Ils ont également attaqué les matons avec des barres de fer. Selon un porte-parole du camp, «environ 60 à 80 «détenus» ont également mené une émeute dans une autre partie de Villawood». De nombreux dortoirs et un bloc consacré aux loisirs (sport ?) ont été détruits, les feux n’ont pu être éteints que trois heures après. 15 prisonniers ont ensuite été incarcérés dans les prisons de haute sécurité de Silverwater et Parklea (Sydney) pour émeute et tentative d’évasion. Leur nationalité montre notamment que la révolte peut dépasser les fausses divisions d’origine : Chine, Vietnam, Espagne, Turquie, Jordanie, Angleterre.
Le total des dégâts causés par les émeutes dans tous les camps est désormais estimé à au moins 4,7 millions d’euros.
Angleterre
L’émeute qui a rasé la moitié du plus grand centre de rétention d’Angleterre, Yarl’s Wood, le 15 février 2002 est devenue le symbole des révoltes dans ce pays. On notera cependant que d’autres révoltes lors de transferts ou par la grève de la faim, comme à Rochester de janvier à mars 1997, ont accompagné la mise en place des camps. Car contrairement à sa réputation, l’Angleterre n’a rien d’un havre de paix pour les immigrés sans-papiers. En juin 2001, il y avait 688 détenus dans les 10 centres de rétention et 1 142 sans-papiers dans les prisons, la grande majorité sur simple demande de la police de l’immigration. Certains attendent là le résultat de leur appel contre le refus d’une demande d’asile. Il s’agit en général de sections spéciales des prisons. Suite au scandale de sans-papiers incarcérés pour ce seul fait, de nouveaux centres de rétention ont été construits… et des quartiers de prisons transformés en centres. En mai 2002, il y avait en tout pès de 3 500 places, soit un nombre de retenus facilement supérieur.
Le transfert d’un centre de rétention à la prison est souvent une mesure disciplinaire, et trois quarts des retenus ne sont pas en situation irrégulière mais demandeurs d’asile, dont une centaine incarcérés depuis plus d’un an en septembre 2000. Les demandeurs d’asile qui ne sont pas en prison sont assignés à résidence, de préférence dans un coin perdu. Ils doivent pointer périodiquement dans un enforcement center, où on en profite pour les fouiller. Ils n’ont pas le droit de travailler et, pour mieux les tenir, la misérable allocation qui leur est versée se fait presqu’exclusivement sous forme de bons valables uniquement dans certains magasins, sans rendu de monnaie. La grande bénéficiaire de cette méthode est la Sodexho française, qui émet les bons.
Un centre flambant neuf
Le centre de Yarl’s Wood, géré par le groupe privé Group 4 Falck a ouvert le 19 novembre 2001 dans le Bedfordshire, avec 900 places, en faisant le deuxième plus grand d’Angleterre. Dès le 10 décembre, il y a eu une série de grèves de la faim et de refus de repas, et massivement à partir du 18 janvier 2002, contre les conditions inhumaines de détention et notamment la pratique de menotter les retenus à tout bout de champ (comme lors des transferts à l’hôpital). Le 14 février, des gardiens menottent une femme de 55 ans, malade depuis trois jours sans médicaments, et la traînent par terre pour l’emmener à l’hôpital. Un groupe de retenus s’interpose, la protestation s’étend en un éclair et 200 retenus montent sur le toit (sur 383 de compte le centre à ce moment-là). Un incendie est allumé vers 20h dans le hall de réception, suivi de deux autres dans les ailes D (hommes) et C (mixte), qui brûlera la moitié du centre, pendant que se produiront de durs affrontements entre retenus et gardiens jusqu’à 7 heures du matin. Deux d’entre eux sont attaqués et leurs clés dérobées, quatre autres enfermés de force dans un bureau. Les détenus ont ensuite affronté les forces de police anti-émeute accourues au secours des gardiens privés, non sans penser à détruire les caméras de sécurité et la salle de contrôle high-tech qui contenait les enregistrements.
Les pompiers ont mis une heure à pénétrer dans le centre après leur arrivée, et de mauvaises langues prétendent qu’ils en ont été bien empêchés par quelques révoltés, le temps que le feu fasse son travail. Pendant ce temps, 20 prisonniers se sont échappés et seuls 8 ont été repris, malgré les deux hélicoptères et les chiens lancés dans les collines et les champs alentours pour les reprendre.
Suite à l’incendie, les retenus ont été transférés à Campsfield House (Oxford), le centre a été fermé, puis réouvert et agrandi. Quand le Group 4 Falck a lancé une campagne de recrutement pour compléter ses effectifs en vue de la réouverture, chacun de ses rendez-vous a été contesté par des manifestations. Quant au verdict contre les onze inculpés d’émeute et incendie, il est tombé le 15 août 2003 : sept acquittements, trois condamnés pour violences et un pour émeute. Ils ont pris près de 4 ans ferme chacun.
Un rapport officiel publié en novembre 2004 précisera que ce centre tout neuf avait été construit à la va-vite en même temps que deux autres, pour remplir les objectifs fixés de 30 000 expulsions par an. Cela explique selon lui la vitesse de propagation de l’incendie sur du matériel de mauvaise qualité et l’absence d’extincteurs, alors qu’il est incapable de voir que la privation de liberté et des conditions de détention particulièrement insupportables, vu son objectif de simple centre de transit confié à une boîte privée en vue d’expulsions massives, ont fait l’essentiel. Ainsi, la plupart des retenus étaient en attente d’expulsion, tous leurs recours ayant été épuisés, et une petite partie arrivait de prison, où ils avaient été en punition. Il confirme par ailleurs qu’un gardien a été gravement blessé en sautant du deuxième étage pour échapper aux émeutiers auxquels il voulait barrer l’accès aux ateliers. Enfin, les dégâts finaux sont estimés à 100 millions de Livres, soit les deux ailes incendiées et une partie des autres saccagées jusqu’aux toits.
Harmondsworth prend le relais
Mais les émeutes et incendies n’allaient pas s’arrêter en si bon chemin. Après Yarl’s Wood en février 2002, c’est le centre de rétention de Harmondsworth qui allait faire parler de lui le 19 juillet 2004 puis le 29 novembre 2006.
Situé près de l’aéroport d’Heathrow (à l’ouest de Londres), ce centre de deux fois 550 places a ouvert en 2001 et était géré par l’entreprise privée Uk Detention Services (UKDS), en contrat pour huit ans avec le ministère de l’Intérieur, rebaptisée Kalyx Ltd suite à la première révolte. En mai 2004, éclate une première grève de la faim collective de 220 retenus, protestant contre la longueur des procédures et les violences des gardes. Le 19 juillet vers 20h, un demandeur d’asile kosovar de 31 ans est retrouvé pendu, sa demande venant d’être rejetée et son expulsion programmée pour le lendemain (il y a eu 17 suicides officiels en centre de rétention de 2001 à 2006 et 185 auto-mutilations rien que pour les 10 premiers mois de 2006). La nouvelle se diffuse alors comme une traînée de poudre et un groupe de Jamaïcains refuse de réintégrer les cellules vers 23h. L’affrontement avec les gardiens tourne à leur avantage et ces derniers se retirent. La révolte s’étend alors rapidement et les insurgés commencent à mettre le feu et à détruire la structure. Une petite centaine continuera jusqu’à 9h du matin, lorsqu’ils seront défaits face à la police, aux matons et à leurs groupes spécialisés anti-émeutes (les «tornado teams»). Le camp de Harmondsworth sera en partie fermé suite aux dégâts structurels (22 millions de Livres) et nombre de détenus seront transférés.
Suite à cette révolte, les conditions de détention se rapprocheront encore un peu plus de celles d’une prison de haute sécurité. A titre d’exemple, et en plus des tabassages punitifs, les matons ont institué le rapport disciplinaire, nommé I.P. dans leur jargon, sachant que plus de deux rapports envoyaient directement au mitard (une heure de promenade par jour et isolement total sans affaires personnelles). Les retenus ont raconté comment des I.P. étaient bien entendu totalement arbitraires, comme le fait d’adresser la parole à un garde «de manière maléduquée» ou pour «non-coopération». Cet isolement qui va jusqu’à 45 jours avait été utilisé près de 129 fois à Harmondsworth rien que pour les six premiers mois de 2006. Un second facteur de l’explosion est liée au durcissement des conditions extérieures : en plus d’incarcérer les immigrés en attente de déportation ou en attente de révision de leur refus de permis de séjour, Harmondsworth a vu croître de façon exponentielle au cours des dix mois précédant la seconde révolte la quantité d’immigrés incarcérés suite à un passage en prison. Le ministre de l’Intérieur John Reid avait en effet multiplié les dispositifs pour accélérer l’expulsion de tout étranger ayant commis un délit, y compris lorsqu’ils avaient la citoyenneté britannique depuis des années (soit un permis de résidence). Nombre de fils d’immigrés ayant grandi en Angleterre se sont retrouvés ainsi pris dans les filets de la double-peine.
Si les causes conjoncturelles liées à la révolte n’ont pas filtré, l’enfermement suffit à expliquer que du 28 au 29 novembre 2006, c’est l’ensemble du centre et ses quatre ailes qui ont été cette fois saccagés pendant 18 heures par les 484 retenus : sanitaires, murs, fenêtres, caméras de surveillance. Initiée vers 12h30, la révolte s’est amplifiée à partir de 23h30 lorsque le feu est venu remplir son office ravageur, aidé ensuite par l’inondation générale provoquée par les détecteurs anti-incendie. Se servant de couvertures, certains révoltés ont également composé le texte géant «SOS FREEDOM» (Sos, Liberté) dans la cour, qu’un hélicoptère de la télé Sky News a diffusé, provoquant immédiatement le black-out du coin, décrété «zone d’opération avec interdiction de survol». Enfin, une tentative de tractation a eu lieu pendant les affrontements dans l’aile C du centre : parlant au nom des autres, des retenus acceptaient l’expulsion immédiate des déboutés définitifs («plutôt déportés que prisonniers à temps indéterminé [jusqu’à 3 ans] dans un méandre juridique») en échange de la liberté conditionnelle pour tous les autres. Mais même ce réformisme revendicatif n’a suffi à éviter l’intervention des flics, pas plus qu’il n’a freiné la rage des autres (Jamaïcains, Iraniens, Irakiens, Kenyans, Nigérians,…), achevant la démolition entreprise deux ans auparavant.
Les retenus ont été transférés, et les dégâts se montent à plusieurs millions de Livres.
Campsfield House en révolte
Le centre de rétention de Campsfield House, d’une capacité de 218 places pour des demandeurs d’asile en cours de procédure mais aussi en attente de déportation, est situé à Kidlingtown, dans le Oxfordshire. Ouvert en 1993, il est géré depuis septembre 2006 pour trois ans par l’entreprise américaine GEO, prenant la suite de Group 4.
Le 20 août 1997, une gigantesque émeute causait près de 100 000 Livres de dégâts au centre, pendant qu’une manifestation de solidarité se déroulait à l’extérieur. 13 retenus furent arrêtés et 9 renvoyés en procès pour saccage et incendie volontaire (un Libanais et trois Caribbéens ont été sortis de l’histoire, ne laissant que neuf Africains de l’ouest face à la justice, alors de toutes les nationalités étaient présentes pendant l’émeute). Incarcérés dans les prisons de Bullingdon et Reading, ils seront tous acquittés le 18 juin 1998.
Ces derniers temps, de nombreuses révoltes ont à nouveau perturbé la normalité de l’inhumanité carcérale, la remettant au centre de l’actualité.
En mars 2007, une émeute éclate vers 7h du matin, suivie d’un incendie, provoqués par l’expulsion «violente» d’un retenu. En juin 2004 déjà, une révolte similaire avait éclaté suite à l’expulsion d’un Algérien. Si les dégâts ne sont pas précisés, on relève neuf blessés, dont sept membres du personnel intoxiqués par les fumées.
En août 2007, lors d’un incendie volontaire, près de 26 demandeurs d’asile parviennent à s’évader (8 sont toujours dans la nature).
En décembre 2007, ce sont près de 120 retenus qui repartent en émeute lorsque les gardiens tentent d’extraire un des leurs de la cellule vers 5h30 en vue d’une expulsion. De brefs affrontements ont lieu, les installations électriques des couloirs sont détruites, tout comme les caméras de vidéosurveillance. Les toilettes sont bouchées et provoquent l’inondation désirée, en mettant une partie du centre hors service.
Le 14 juin 2008, un nouvel incendie est déclenché, nécessitant l’intervention de 10 camions de pompiers et d’un hélicoptère.
Le 18 juin 2008, c’est une évasion collective de sept retenus qui a lieu tôt le matin. Quatre sont rapidement repris (un blessé aux chevilles est hospitalisé, et un autre caché dans le jardin botanique d’Oxford repris), tandis que deux Palestiniens et un Afghan courent toujours.
France
Si l’incendie volontaire et simultané des deux ailes du centre de rétention de Vincennes (Paris) qui a conduit à sa destruction le 22 juin 2008 est encore dans les mémoires, cette révolte qui a suivi le décès la veille d’un retenu dans le centre n’est pas isolée ces dernières années.
Le 18 septembre 2006, sept retenus s’évadent du centre de rétention de Cornebarrieu (Toulouse-Blagnac). Cinq courent toujours.
En décembre 2006, grèves de la faim collectives dans les centres de rétention de Vincennes, de Lyon et de Marseille.
Le 24 janvier 2007, deux incendies éclatent dans chacun des bâtiments du centre de Vincennes, endommageant sérieusement l’un d’eux. Cinq retenus (malien, ivoirien, marocain et tunisien) sont accusés d’en être les auteurs.
Le 27 juillet 2007, un Kurde incendie une partie du centre du Mesnil Amelot (20 places sur 120) à partir de son matelas.
De décembre 2007 à avril 2008, de nombreux sans-papiers se mettent en grève de la faim et parfois s’affrontent aux flics dans les centres de rétention du Mesnil-Amelot, Vincennes, de Rennes et de Nantes.
Le 23 janvier 2008, des retenus mettent le feu à une chambre à Vincennes.
Le 27 janvier 2008, deux départs de feu nécessitent l’intervention des pompiers à Vincennes.
Le 12 février 2008, nouvelle mise à feu de deux chambres à Vincennes.
Le 16 mars 2008, cinq retenus s’évadent du centre de rétention du Canet (Marseille), deux Algériens, deux Tunisiens et un Marocain. Deux courent toujours.
Le 6 avril 2008, incendies de draps à Vincennes, projectiles contre la police et dégradations.
Dimanche 22 juin 2008 vers 14h45, plusieurs incendies sont allumés dans les deux bâtiments du centre de rétention de Vincennes. En quelques heures, les 280 places sont totalement détruites tandis que dehors se déroule un rassemblement. La veille, un retenu tunisien de 41 ans, Salem Essouli, y avait trouvé la mort, attendant de nombreuses heures avant d’être évacué vers l’hôpital.
Un retenu témoignera clairement de l’intérieur : « Moi, pour “centre de rétention”, je dis toujours “détention”, et les flics n’aiment pas ça. Mais pour moi, nous sommes en prison, on n’est pas libres. La manière dont les gens sont expulsés, le fait même que les gens soient expulsés, quand tu penses à tout cela, tu es démoralisé. C’est ça qui a créé ce sentiment de révolte. Comment le feu est arrivé ? Comment ils ont fait ? Franchement, je ne veux même pas savoir. C’est la mort du monsieur qui a suscité toutes ces violences-là, légitimes ou pas. Mais quand même, les révoltes, ça arrive partout. Quand il y a quelque chose qui ne va pas, il y a des révoltes, même en ville, dans la vie courante, il y a toujours des révoltes et ça peut être avec des violences. Une révolte, c’est une révolte, d’une seule façon. »
Les retenus seront tabassés et parqués dans l’école de police attenante avant d’être évacués en bus ou TGV spécialement affrété vers les centres de Rouen-Oissel (22), Lille-Lesquin (54), Nîmes-Courbessac (100), Palaiseau (18), Mesnil-Amelot (10) et Paris-dépôt-Cité (40). Si quelques uns seront expulsés, la plupart seront libérés (93 retenus sur les 100 transférés à Nîmes par exemple), souvent débarqués au milieu de nulle part. Depuis, six sans-papiers sont incarcérés à Fleury ou Fresnes, accusés de « destruction de biens par l’effet d’incendie et violence à agent de la force publique ». Une campagne de solidarité a commencé en octobre. Le 10 novembre, c’est un nouveau centre de 60 places qui a été inauguré à Vincennes. Deux autres doivent suivre plus tard à côté du premier. Cette capacité moins importante a pour but évident de mieux contrôler les retenus, suivant en cela un rapport de la Cimade, l’organisation « humanitaire » religieuse qui cogère ces camps avec la police (un appel d’offre récent doit mettre son monopole en concurrence avec d’autres crapules).
Dimanche 20 juillet vers 18h30, c’est un Turc de 44 ans, expulsable depuis la veille, qui met le feu au centre de rétention administrative de Nantes à partir de sa cellule. Le centre est obligé de fermer provisoirement et, le lendemain, les sept autres retenus sont transférés au centre de Rennes-Saint-Jacques-de-la-Lande après une nuit en garde-à-vue. Le 2octobre, l’unique accusé sera condamné à 3 mois ferme.
Samedi 2 août, c’est au tour du centre de Mesnil Amelot, situé derrière l’aéroport de Roissy, de faire l’objet d’une tentative d’incendie. Deux chambres brûlent tandis que se déroulent des affrontements dans les bâtiments 1 et 4 aux cris de « Liberté », sans que le feu ne parvienne toutefois à consumer l’ensemble de la structure. Selon le témoignage d’un retenu : «Nous n’avons fait que crier avec les manifestants présents à l’extérieur. Alors, les policiers nous ont demandé d’arrêter et ont voulu nous faire rentrer sur le terrain de foot. Nous avons refusé, puis un incendie a éclaté. Les policiers ont alors insisté violemment, jusqu’à nous gazer et tabasser l’un des jeunes émeutiers».
Ce qui est sûr, comme le proclame une affiche qui a commencé à circuler en novembre sur les murs de plusieurs villes, « c’est que l’enfermement est une raison suffisante en soi pour se rebeller contre les geôliers et leurs murs barbelés. Ce qui est certain, c’est que tout individu qui a encore le goût de la liberté et la rage au cœur ne peut que se reconnaître dans ces révoltes dévastatrices. »
Belgique
Fin juillet 1998, 31 personnes s’évadent du centre lors d’un rassemblement organisés par l’ancien Collectif Contre les Expulsions. Des manifestants avaient cisaillé le grillage, tandis que les prisonniers se sont affrontés aux gardiens et ont cassé des vitres pour s’évader. 7 personnes sont reprises lors de la chasse à l’homme, les autres sont toujours hors des griffes des chiens de la démocratie. Cet évasion a fait monter définitivement la tension dans et autour des centres fermés.
En septembre 1998, Semira Adamu est assassinée lors d’une tentative de déportation, asphyxiée par deux policiers sur l’avion. Suite à des appels d’aller manifester devant le centre fermé 127bis de Steenokkerzeel, le gouvernement décide de vider le centre, c’est-à-dire de transférer les prisonniers considérés comme des complices ou des amis de Semira vers d’autres centres et de libérer les autres.
Ces deux faits marquent la première période d’agitation autour des centres fermés. A ce moment-là, les camps étaient beaucoup moins renforcés – les évasions étaient très nombreuses.
Avec la construction d’un nouveau centre fermé à Vottem, l’Etat choisit une autre direction : transformer les centres fermés en bastions sécurisés à l’égal des maisons d’arrêt. Tandis que dans la rue l’agitation descend et la lutte contre les centres commence à se transformer en une lutte pour la régularisation, l’Etat restructure les centres et leur gestion.
Dans les années de 2000 jusqu’à 2007, les émeutes et les évasions se font assez rares dans les centres. A l’extérieur, une coordination nationale des sans-papiers (l’UDEP) et leurs souteneurs essayent surtout de se construire une certaine crédibilité politique auprès de l’Etat pour obtenir des régularisations – il y a très peu d’attention pour ce qui se passe dans les centres.
A partir de 2007, la rage commence définitivement à montrer sa force dans les prisons belges. Les émeutes et incendies se succèdent et se répandent au fur et à mesure dans presque toutes les taules. Cette diffusion a certainement en partie été possible grâce aux transferts suite à des mouvements de rébellion de prisonniers considérés comme les meneurs. Ainsi, l’expérience de la révolte pouvait se répandre dans presque chaque taule de la démocratie belge.
Les mutineries dans les prisons ont affecté la situation dans les centres fermés de deux manières. D’abord, le fait que même dans les pires conditions de «contrôle» éclatent des mutineries (et pas une, mais surtout leur continuation dans le temps et dans l’espace) a fonctionné comme une sorte de flambeau. Même avec tous les barreaux, tous les gardiens, les cellules d’isolement, les tabassages, se révolter restait possible. La peur laissait la place à la conscience que la rébellion dépend surtout de sa propre détermination. Deuxièmement, des prisonniers sans-papiers qui ont participé aux mutineries dans les prisons sont ensuite transférés dans les centres pour attendre leur éventuelle déportation. Il est à noter que la durée de cette détention administrative dans les centres peut aller facilement jusqu’à 6 mois, parfois même plus. Ces prisonniers avaient déjà une expérience de révolte dans les taules où les moments d’être ensemble à quelques dizaines sont assez rares (en fait, seulement pendant les promenades et les quelques activités comme le sport) tandis que dans les centres fermés, les prisonniers (à part les punis) sont tout le temps ensemble. Dans tous les centres, ils sont groupés dans des dortoirs de plus de 20 personnes – ce qui rend une émeute collective beaucoup plus facile.
En janvier 2007, des prisonniers du centre fermé de Merksplas attaquent les gardiens et en blessent quelques uns. Au même moment, une mutinerie très vaste a eu lieu à l’autre côté, dans la prison de Merksplas lors de laquelle plusieurs ailes ont été détruites et deux pavillons ont été incendiés. Un mois plus tard, quelques dizaines de prisonniers dans le centre fermé de Vottem se mutinent et détruisent la salle à manger et la salle de « récréation » pendant qu’un rassemblement se déroule à l’extérieur du camp. Les manifestants gueulent leurs slogans et… rentrent à la maison. En mars et en avril, plus de 40 personnes s’évadent des centres à différentes occasions. Tandis que la plupart des plans pour les évasions consistent à couper les barreaux et les grillages, cette fois-ci à Vottem, plusieurs prisonniers attaquent un gardien pour lui prendre ces clés et réussissent ainsi à s’évader. Le 25 avril 2007, une mutinerie éclate au centre fermé 127 bis à Steenokkerzeel. Le temps que la police intervienne, les révoltés avaient déjà détruit une bonne partie d’une aile, ce qui entraîne sa fermeture temporaire. Le 9 juin, les prisonniers du même centre s’affrontent aux gardiens pour empêcher la déportation d’un camarade. Les flics anti-émeute doivent charger plusieurs fois pour réussir à repousser les émeutiers vers les dortoirs. A la fin, ils réussissent à déporter la personne en question. Le 30 juillet 2007, une explosion dans une cabine d’électricité à côté du centre fermé de Merksplas coupe le courant dans ce camp. Quelques heures plus tard, des prisonniers refusent de quitter le préau. Quand la police intervient, les prisonniers sont repoussés vers les dortoirs. Le 29 septembre, suite au mort d’un prisonnier de 22 ans, une mutinerie éclate dans le 127 bis. Le prisonnier avait fait plusieurs années de prison pour un hold-up. Trois jours après son transfert de la prison de Lantin au 127 bis, il a été retrouvé mort. L’Office des Etrangers prétend que sa mort est due à l’usage de drogues. Les mutinés détruisent la salle de séjour et le sanitaire. Lors de l’intervention de la police, les mutinés résistent en s’engageant dans des affrontements qui durent plusieurs heures. Pendant toutes ces émeutes, le mouvement « formel » des sans-papiers et leurs souteneurs à l’extérieur ne bouge qu’à propos des régularisations… En octobre et novembre 2007, la police perquisitionne les centres de Vottem, Steenokkerzeel et Merksplas sur demande des gardiens qui ont peur que les prisonniers aient confectionné des armes ou préparent des évasions. La police retrouve effectivement des couteaux artisanaux, des scies, des pinces,… En 2007, au moins 80 personnes se sont fait la belle des cinq centres fermés de Belgique, tandis que des dizaines de tentatives échouent.
Ce n’est que le 6 janvier 2008 qu’une nouvelle émeute éclate. Des dizaines de prisonniers dans le centre de Merkplas se rebellent pour empêcher la déportation d’un camarade, ce qui cause des dégâts estimés à plus de 40 000 euros. Trois gardiens sont envoyés à l’hôpital. Leur camarade est libéré une semaine plus tard. En février 2008 commencent des grèves de la faim dans plusieurs centres, avec plus de 150 grévistes. La grève n’aboutit à rien de « concret ».
Quand le 1 mai 2008, un prisonnier est retrouvé mort dans la cellule d’isolement du centre de Merskplas suite à une tentative ratée de déportation, quelques dizaines de prisonniers commencent à détruire tout ce qu’ils peuvent. Ils boutent aussi le feu à un dortoir. Onze prisonniers sont mis en isolement, un d’entre eux casse la cellule d’isolement le 10 mai avant d’être déporté.
Le 10 juillet, la police fait de nouveau une perquisition dans le centre 127 bis de Steenokkerzeel. Huit prisonniers sont cagoulés et transférés vers d’autres centres.
Le 21 juillet, le jour de la Fête Nationale, deux prisonniers montent sur le toit du centre fermé de Merksplas tandis que dans le centre une mutinerie éclate. La police doit charger plusieurs fois pour repousser les mutinés, qui détruisent beaucoup de vitres et de mobilier.
Le 24 août, des prisonniers mettent le feu à plus de 8 endroits dans le centre de Steenokkerzeel, peu après minuit. La nuit retarde l’intervention de la police et des pompiers. Deux des trois ailes sont évacuées et brûlent entièrement. Un prisonnier réussit à s’évader. L’incendie réduit la capacité du centre à moins de 30 %. Une partie des détenus est alors transférée tandis que l’autre est libérée en toute discrétion parce qu’il n’y avait simplement plus de place.
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1. En 2004, le danois Group 4 Falck a fusionné avec le britannique Securitor, donnant naissance à Groupe 4 Securicor (GAS). Début 2008, c’était derrière Securitas le deuxième opérateur de sécurité privée en France.